Je me souviens de ma voix (vidéo et texte)
jeudi 12 février 2015

Stéphane Irigoyen est un des administrateurs de l’APF. Il participe au groupe Éthique de l’APF et c’est dans ce cadre que celui-ci à partir d’une phrase imposée nous livre son texte.
Henry le Levreur son assistant de communication l’aide à nous faire entendre son texte.

Une vidéo de 5’37"

Une vidéo de 13’50" (version longue)

Ici le texte lu dans la vidéo en format pdf

Je me souviens de ma voix

« Je me souviens d’un cri sourd et douloureux.
Il y a longtemps presqu’après ma naissance, même avant.
Ce cri que font les bébés en découvrant le monde.
Ce cri qui n’a pas été entendu avant qu’on le provoque grâce à la colère de mon Père contre les médecins qui m’avaient déjà mis de côté de ce monde.
Ce cri sourd raisonne encore en moi comme l’écho du big-bang qu’on arrive à entendre avec des télescopes super puissants.
Ce cri qui raisonne en moi en me rappelant inconsciemment ma naissance ratée ou plutôt ma deuxième naissance.
Ce cri qui se fait entendre pour la première fois ici. Entendre par ma voix bloquée, expulsée péniblement avec mon estomac, ma respiration, mon articulation et mes 39 années d’entraînement et qui, malgré tout, ces efforts n’auraient pas été entendus sans l’aide d’ Henry qui tape mot à mot sur un ordinateur et qui vont être lus tout à l’heure. Mais est-ce ma voix ? Est-ce l’écho de mon cri ? Mon big-bang intérieur qui ressort par tous ces stratagèmes ?
Qu’importe, dans le fond, puisque c’est avec l’écriture, les secrétaires quand je peux en trouver, que me suis construit une vie extraordinaire, extraordinairement décalée, joyeuse, douloureuse, épuisante.
Je dis qu’importe mais est-ce que je ne mens pas ?
Est-ce que si ce cri initial avait été entendu, je n’aurais pas été poète, avocat, écrivain, journaliste, homme politique ou simplement chercheur en mathématique comme mes études m’y ont conduites un certain temps ? Le temps de me faire comprendre que je me noyais dans les études. Par quelle décadence il a fallu que je passe pour oser quitter le cocon universitaire ! La première année un professeur a dit à toute la classe : « pour la correction de ce devoir, regarder la copie de Stéphane. »
J’avais réussi à faire la copie parfaite, aucune erreur et des explications claires et françaises dans la langue des mathématiques : pendant quelques mois j’ai existé
Et pourtant les deux ans qui suivirent ont vu ma déchéance. Je suis tombé dans un gouffre où je ne comprenais plus rien aux équations qui entouraient ma vie. Je dépensais mon énergie à chercher une aide et à voir que les études que je dévorais jusqu’alors, me dévoraient.
Une voix intérieure, peut-être l’écho de mon cri initial raté, m’a rappelé que j’avais déjà connu un nouveau départ … qu’il existait une vie en dehors des sciences qui avaient guidé ma voix jusque-là. J’ai tout mis par terre et j’ai exploré Bordeaux, découvert le monde des associations, crée ma place, découvert mon talent de mettre en place des liens entre les personnes et leur monde.
Le territoire de Bordeaux, qui a vu cette renaissance est devenu la France que je travaille au corps en tant qu’administrateur qui commence à me dépasser. Dépassement qui annonce encore un changement de vie. J’ignore quelle sera ma place mais je suis convaincu que mon cri initial qui raisonne encore, m’aidera à emprunter une nouvelle voix. »