Fratrie vos relations, Alexia témoigne : elle est la soeur d’une personne avec IMC
lundi 1er février 2010

Vous êtes le frère ou la sœur d’une personne avec une IMC, nous souhaitons faire une place à votre parcours et recueillir vos réflexions.
Merci de témoigner en répondant à ces quelques questions. Votre témoignage pourra peut-être aider d’autres personnes. Évoquez les différents sentiments ressentis au cours du temps.

Vous pouvez retrouver le questionnaire témoignage et y répondre si vous le souhaitez.

Je m’appelle (un prénom fictif) : Alexia, je suis une femme de 32 ans.

- Constitution de la famille : Je suis actuellement en couple.

- Vos relations avec votre fratrie dans votre petite enfance ? :
Mon petit frère est atteint d’IMC.
Jusqu’à 5 - 6 ans environ, je n’ai pas vraiment réfléchi au fait que mon petit frère était handicapé, c’était mon frère, un point c’est tout ce que je voyais, il était petit et le handicap n’était pas encore vraiment visible.

A l’âge de 7 - 8 ans, son handicap est devenu progressivement plus présent, car à 4 ans mon frère était en poussette, ce qui bien-sûr, attirait le regard des gens. Je me souviens avoir eu des périodes de colère contre ces personnes qui regardaient mon frère avec insistance et parfois à la limite de l’impolitesse.
Mon frère parlait à la maison, on se taquinait donc et on se chamaillait, une relation frère-sœur quasi normale.
Je me souviens avoir été "énervée" parfois du fait qu’il ne marchait pas, frustrée en pensant à toutes les choses que nous ne pourrions jamais faire ensemble, et même bizarrement, de lui en vouloir quelquefois, ce qui peut paraitre cruel mais quand on est enfant...
J’ai ressenti aussi de la jalousie du fait que ma mère s’en occupait énormément.

- Vos relations avec votre fratrie à votre l’adolescence ? :
Au moment de l’adolescence, ce fut beaucoup plus délicat. Étant une adolescente plutôt timide, le regard des autres est devenu insupportable.
Aller au restaurant en famille, dans un café ou bien en courses sont devenus des sujets d’une grande appréhension" pour moi, va t-on nous regarder ?" "Y aura-t-il beaucoup de monde au restaurant ?"
J’avais l’impression qu’il y avait d’un côté "les autres" et puis nous, notre famille, que nous étions à part, que nous n’avions pas notre place là où nous étions et que nous dérangions les gens, que l’on créait une sorte de malaise. Cela a été très difficile pour moi pendant très longtemps et je rêvais d’aller au restaurant sans que personne nous regarde, de nous fondre dans la foule, de me sentir "comme tout le monde".

Les rapports avec mon frère demeuraient les mêmes, mais aussi toujours la frustration présente qu’il ne soit pas comme les autres.
J’essayais quelquefois de faire des jeux de mémoire avec lui et je me souviens d’avoir été irritée car il n’y parvenait pas totalement. Cet énervement venait du fait de mon ignorance au sujet de la pathologie de mon frère, j’étais convaincue qu’il ne voulait pas faire d’effort alors qu’en réalité il essayait mais n’en avait pas la possibilité.

- Vos relations avec votre fratrie aujourd’hui ? :
Aujourd’hui tout a changé. Je vis beaucoup mieux le handicap de mon frère car j’ai arrêté de penser à ce qu’il aurait pu être et j’accepte maintenant la situation comme elle est.
Cela ne me dérange plus d’aller me promener publiquement avec mon frère, les gens continuent de regarder et regarderont toujours, je n’y fais plus attention, je me sens plus forte face au regard des autres. Je n’habite plus avec mes parents, donc plus avec mon frère et je profite au maximum des moments passés ensemble. J’ai cependant des périodes de gros coups de blues en y repensant.

Pour être exact, depuis que je suis partie de chez mes parents et que je vis ma vie d’adulte, j ai l impression que tout remonte à la surface.
Ce sont des sentiments très confus.
Une certaine culpabilité, de pouvoir faire des choses qu’il ne pourra jamais faire, la question du "pourquoi lui et pas moi ?"
Je sais pourtant que mon frère est heureux mais... et beaucoup de regrets, de ne pas avoir été plus forte avant et de ne pas l’avoir accepté dès le début comme il était, de ne pas avoir profité de tous les moments passés car j’étais plus concentrée sur le regard des autres.
On ne peut pas revenir en arrière, mais on peut agir au présent, c’est ce que je me dis pour m’ôter ces idées noires de mon esprit.
Et puis même entre frères et sœurs non handicapés, il existe des conflits, des choses mal vécues, je me console en disant que je suis humaine donc imparfaite et que maintenant j’ai la chance d’avoir du recul et un regard d’adulte sur tout ça.

- Comment la cellule familiale s’est construite au fur et à mesure du temps ? :
Ma mère a donné énormément énergie et d’amour à mon frère, malgré les médecins qui lui disaient que ça ne servait a rien car il ne parlerait pas et ne comprendrait rien (ce qui c’est révélé totalement faux !!)
Mon père lui, n’a pas accepté tout de suite le handicap de mon frère, je me souviens de nombreuses disputes entre eux, mon père reprochant a ma mère que "c’était de sa faute" !

J’étais petite, je ne comprenais pas tout, mais avec du recul, j’ai de la peine, je me dis qu’ils ont du vivre des moments très difficiles, le choc de la nouvelle, a brisure du couple uni, le fait de l’annoncer à leur entourage etc...
J’avais 4 ans à l’époque.
Au fur et à mesure du temps, le comportement de mon père a changé, il s’est énormément rapproché de mon frère. Il a retrouvé aussi la complicité d’avant avec ma mère.
Je pense qu’il a fini par "accepter" lui aussi.
Il fait participer mon frère à toutes ses sorties : il est enchanté car il adore voir du monde, se balader.
On a tous traversé une époque difficile autour de ça, mais la famille est maintenant unie et soudée et j’en suis très heureuse !!

- Que souhaitez-vous ajouter ? :
Un conseil pour l’entourage d’un enfant atteint d’IMC : Pour ne pas souffrir de la situation et pour le bien être également de l’enfant, la première chose est de l’accepter comme il est.
Plus vite vous l’aurez fait, plus la vie sera facile.

Et un enfant handicapé peut aussi beaucoup vous apporter au niveau humain, au niveau de la tendresse etc...

Nous vous remercions Alexia de votre témoignage