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Troubles de l’apprentissage : Journée régionale APF sur l’Infirmité Motrice Cérébrale (Chartres/Champhol) du 15 mai 2009.
Intervention d’Antoine ARENTS, Neuropsychologue, Centre de soins, lycée EREA Toulouse Lautrec (Vaucresson)
Antoine ARENTS est neuropsychologue dans plusieurs établissements à Paris et en région parisienne. Il s’occupe de personnes ayant une infirmité motrice cérébrale qui sont, pour les plus vieux, au lycée. La majorité se trouve en école primaire et au collège. Son intervention porte donc essentiellement sur le domaine scolaire. Néanmoins, les difficultés cognitives perdurent et se manifestent dans toutes les activités qui se mettront en place par la suite au niveau professionnel.
40 à 60 % des personnes avec IMC au sens large connaissent des troubles de l’apprentissage. Ces troubles varient selon la forme de l’infirmité motrice cérébrale. Tous les IMC n’ont pas les mêmes troubles d’apprentissage, ni la même sévérité de ces troubles. Des troubles modérés se manifestent dans la moitié des cas et des troubles beaucoup plus sévères touchent une minorité de personnes IMC.
Ces troubles de l’apprentissage portent sur la lecture, l’écriture et les mathématiques. Ils concernent en premier lieu l’écriture, en raison des troubles du graphisme dus aux difficultés motrices ou praxiques des IMC.
Les douleurs et la fatigue rendent aussi difficile la disponibilité pour les apprentissages. Elles peuvent résulter des efforts nécessaires pour le maintien postural. Il y a aussi les trajets parfois important de certains jeunes, qui les obligent à se lever très tôt, avec des rythmes que de nombreuses personnes sans IMC auraient du mal à supporter.
Même sans être dans le registre du retard mental, un décalage modéré de l’efficience intellectuelle verbale peut avoir des répercussions dans certains apprentissages, et mener vers un échec scolaire malgré une bonne intelligence pratique et une adaptation sociale tout à fait normale. C’est notamment au niveau du collège où les notions abordées deviennent plus complexes, que certaines difficultés de synthèse et d’accès à l’abstraction peuvent être particulièrement pénalisantes. C’est également à ce niveau de leur cursus scolaire que certains IMC peuvent être pénalisés par une certaine lenteur idéatoire ou des difficultés attentionnelles qui sont souvent incompatibles avec le rythme attendu des apprentissages.
Par ailleurs, les troubles sensori-moteurs restreignent l’accès à certaines expériences qui sont considérées comme fondamentales pour les futurs apprentissages. Des études ont formulé l’hypothèse par exemple, que les troubles moteurs, praxiques et oculomoteurs pouvaient avoir des répercussions dans le dénombrement et ultérieurement conduire à une incapacité à se construire une représentation du nombre.
Les facteurs psychologiques ont également une grande influence dans la disponibilité envers les apprentissages scolaires. Il est fréquent de rencontrer une lassitude de la part des personnes IMC après des années de rééducation et une démotivation pour certains apprentissages qui requièrent souvent beaucoup d’efforts, qui ne sont pas toujours récompensés. Le parcours rééducatif, scolaire et personnel des IMC est jalonné de renoncements parfois douloureux qui fragilisent l’estime de soi.
Lorsque l’on souhaite apporter un éclairage face aux difficultés d’apprentissage, il est essentiel d’essayer de distinguer ce qui relève des facteurs psychologiques ou bien de troubles neuropsychologiques. Rappelons que la neuropsychologie est une spécialité de la psychologie qui consiste à établir des liens entre d’une part, le fonctionnement de certaines régions du cerveau et d’autre part, le comportement et les fonctions cognitives.
L’entretien avec la famille et la personne IMC, l’analyse des bilans réalisés par les différents intervenants (orthophoniste,
ergothérapeute, psychomotricien, orthoptiste, enseignants) vont permettre de mieux cerner la nature des difficultés.
Ensuite, lors du bilan neuropsychologique qui se déroule sur 4 à 5 heures réparties en plusieurs rencontres, de nombreux tests seront proposés. Ils auront une importance pour distinguer entre un retard global avec un décalage manifeste dans la plupart des domaines : mémoire, attention, langage, raisonnement, fonctions exécutives plus ou moins important mais homogène et un trouble spécifique, avec un
décalage important mais ciblé, par exemple un trouble de l’organisation
spatiale ou de l’accès au lexique, alors les autres fonctions cognitives sont mieux préservées.
Dans ce dernier cas, bien souvent, la personne IMC a une efficience intellectuelle verbale dans la norme de son âge, mais elle a des troubles spécifiques liés à une lésion cérébrale. Certains de ces troubles sont bien connus chez les IMC, comme la dyspraxie visuospatiale et d’autres le sont moins mais peuvent pourtant avoir des répercussions très importantes dans l’adaptation professionnelle et sociale ou dans les
apprentissages scolaires. Ce sont en particulier, les troubles de l’attention et des fonctions exécutives, et les difficultés mnésiques.
Pendant longtemps, les bilans proposés par les psychologues s’appuyaient sur les seules échelles de Wechsler, pour estimer l’efficience intellectuelle des IMC, grâce au QI verbal et au QI de performance.
Ces tests permettent de donner un point de vue global des capacités de la personne mais ne permettent pas de cerner l’origine de ses difficultés ni d’identifier des troubles cognitifs plus fins.
Il convient de bien distinguer les formes d’infirmité motrice cérébrale lorsque l’on souhaite étudier leurs profils neuropsychologiques. Il y a bien sûr une grande hétérogénéité des profils, y compris au sein d’une même forme d’IMC. Ces différences sont en partie liées à la localisation et l’étendue des lésions cérébrales.
L’intervenant présente une « vue d’avion » du cerveau (coupe axiale). Il montre des lésions typiques et fréquentes chez les IMC anciens prématurés : les leucomalacies périventriculaires.
Elles sont responsables du tableau de la dyspraxie visuospatiale.
Elles se trouvent dans les régions arrière du cerveau,
le cortex pariétal postérieur. Le cortex pariétal droit est très
impliqué dans les relations spatiales et les gestes visuoguidés.
La partie gauche, en tout cas chez l’adulte, est plus
impliquée dans les praxies, notamment gestuelles. Chez
l’enfant et chez l’IMC, cette répartition est plus bilatérale.
Néanmoins, il est connu que ces régions postérieures
engendreront ce trouble visuo-spatial responsable des
difficultés en géométrie et dans la lecture de tableau à double
entrée.
Pour beaucoup de personnes IMC, il est
particulièrement invalidant et malheureusement incompris par
l’entourage.
La dyspraxie (acquises) gestuelle se caractérise par incapacité à programmer et à automatiser un geste finalisé. Elle engendre des difficultés dans l’habillage, le maniement d’outils, et surtout le graphisme. L’acte d’écriture demande de programmer un geste, de l’organiser dans l’espace et d’avoir une bonne motricité. Les personnes perturbées sur ces trois aspects présentent une dysgraphie.
L’intervenant présente un exemple de dyspraxie visio-constructive ou difficulté à assembler des éléments d’une figure en un tout. L’enfant pouvait désigner les parties de la figure mais il lui manquait la capacité à les mettre ensemble. Cette difficulté est liée le plus souvent à une lésion du cortex pariétal postérieur.
Tous les facteurs impliqués dans les difficultés d’apprentissage doivent être analysés en détail. Cette analyse permettra de proposer de ré-entraîner la fonction si possible ou de mettre en place des compensations en identifiant les ressources de la personne IMC.
La conséquence principale des troubles attentionnelles est que les informations seront encodées (mémorisées) de façon partielle.
Les recommandations issues du bilan neuropsychologique viendront enrichir le travail pluridisciplinaire. Dans le contexte de troubles spécifiques, les prises en charges s’efforceront soit d’entraîner de façon ciblée les fonctions cognitives perturbées, soit lorsque la sévérité de ces derniers est trop importante, de proposer des aides palliatives et de s’appuyer sur les fonctions cognitives préservées. Dans le cadre d’un retard global, il s’agira de cibler ce qui permet d’obtenir la meilleure autonomie possible et d’orienter vers des activités pédagoéducatives plutôt que strictement scolaires. Enfin, la restitution des conclusions du bilan neuropsychologique est une rencontre clinique auprès de la personne IMC et de sa famille. Elle permet de mettre des mots sur des difficultés mal comprises, souvent vécues douloureusement, et parfois source de confits avec l’entourage.