Mon parcours scolaire et plus, Yohan témoigne (25 ans).
mercredi 11 avril 2012

Je me présente, je m’appelle Yohan Guerrier né à Maubeuge près de Lille. J’ai 25 ans.

Je suis handicapé (IMC tétraplégique athétosique). Je ne mange pas seul, j’ai besoin d’une aide humaine pour me laver, me coucher, aller aux toilettes, je ne peux pas écrire ni avec un stylo ni avec un clavier, j’ai des problèmes pour parler. Malgré cela, j’ai un master 2 informatique (bac plus 5). À présent, je suis en doctorat pour travailler dans la recherche afin de trouver des solutions aux problèmes rencontrés par les handicapés dans la vie de tous les jours. Le sujet est le suivant : « Aide logicielle centrée contexte pour la saisie d’information en situation dégradée, Application à des utilisateurs handicapés moteurs dans des contextes liés au transport et aux activités journalières ».
J’ai eu la chance de faire ma scolarité dans des écoles dites normales grâce au combat de ma famille. Voici les différentes difficultés rencontrées :

  • des profs qui ont eu peur de mon handicap.
  • j’ai eu une aide pour la prise de note pendant 3 ans (mes 2 terminales et ma première année de DUT). Les autres années, j’étais seul.
  • Des remarques difficiles à entendre (pourquoi faites-vous des études, car vous n’aurez jamais de travail ?)

Au cours de scolarité, j’ai eu 3 AVS pour la prise de notes. Les autres années, mes amis donnaient leur cours et pour les DS (devoir scolaire) c’était avec les profs quand ils voulaient sinon avec des pions. Le problème c’est qu’il faut un temps pour me comprendre et les cours n’étaient pas toujours lisibles à cause de la photocopie.
Ma première AVS c’était en terminale S, j’ai eu beaucoup problèmes. Elle venait quand elle voulait, elle faisait des histoires avec tout monde, elle ne venait pas toujours avec moi en cours… le pire l’année suivante elle continuait ce travail.
Les 2 suivants c’était des professionnels, ils avaient un diplôme dans ce domaine. Ces 2 personnes m’ont même aidé à murir et je les remercie.
Évidemment, les AVS sont indispensables, mais il faut le bon choix à l’embauche et peut être faire des tests psychologiques, car elles travaillent avec des enfants.

Je ne trouve pas normal qu’après le BAC on ne puisse plus en avoir, car aucun organisme ne veut les financer. J’ai eu de la chance que mon IUT finance une aide la première année, mais après plus personne ne pouvait. Si je me ne trompe pas tout est organisé pour avoir une AVS avant le BAC, mais après plus rien.
Cependant, j’ai réussi grâce à ma famille, aux profs qui ont cru en moi et mes amis.
Pour arriver à ce niveau d’études, j’ai dû me battre avec l’aide de ma famille, car pour beaucoup de personnes les handicapés n’ont pas à faire d’études, car ils n’auront pas de travail. Je leur prouverai le contraire. Il ne faut pas se faire d’illusion c’est très compliqué, mais c’est faisable avec beaucoup de volonté et de courage.
Puis il y a d’autres personnes qui me prennent pour un con, exemples de propos que j’entends souvent :

  • tu me comprends quand je parle ?
  • tu sais lire ?
  • tu m’entends ?

Au début, cela m’énervait, mais maintenant cela me fait rire.
Je n’aime pas les personnes qui profitent trop de leur handicap, c’est la meilleure façon de nous mettre à part. Ces personnes veulent que le monde tourne autour du handicap, je préfère entrer dans la ronde. Le handicap n’est pas toujours facile à vivre cependant l’espoir, la joie, le combat sur la vie ou pour la vie, la famille et les amis doivent être une lumière qui nous guide sur les chemins de la vie.
Je suis né en me battant pour ma survie, je mourrai en me battant pour ma réussite.
Je terminerai avec ceci : je me bats tous les jours pour montrer à tous que le handicap n’est pas synonyme d’échec.

Nous vous remercions pour votre témoignage.


Article :

Guerrier Y., Vigouroux N., Kolski C., Vella F., Guffroy M., Teutsch P. (2020). Conception centrée utilisateur d’aides techniques pour des utilisateurs en situation de handicap avec troubles de la communication : retour d’expérience pour une participation systématique de leur écosystème. Revue des Interactions Humaines Médiatisées, 2020, 21 (1), pp. 29-56

Lire l’article : http://rihm.fr.