Mon parcours : la famille, le regard des autres, l’école ... Catherine témoigne
jeudi 5 janvier 2012

Catherine s’est exprimée dans plusieurs "questionnaires témoignages qui ont été rassemblés sous un seul article.

- Vous trouverez ci-dessous la 2ème partie de son témoignage.

Je m’appelle (prénom fictif) : Catherine (Caty)
Sexe : Une femme
Mon âge : 34 ans
J’habite : Chez moi

Mon parcours : la famille, le regard des autres, l’école ...

Il n’y a pas encore si longtemps mon handicap était pour moi quelque chose que je devais caser absolument afin d’être comme tous les jeunes de mon âge. En prenant de l’âge et en ayant vécu certaines expériences de vie, j’ai appris très vite à transformer mes faiblesses en force et de faire de mes différences une arme.

Dès le début de ma jeune vie, j’ai pris conscience que mon avenir allait dépendre de mes actions.
Mon plus ancien souvenir qui me revient en mémoire était les visages qui me regardaient, j’étais alors dans ma "grande poussette".
Ma mère me mettait toujours de jolis rubans dans les cheveux, j’étais une poupée avec de grands yeux bleus, le teint pâle et à 7 ans déjà, je portais sur le monde un regard de doute et de méfiance.

Mon enfance

Ma mère me répète encore aujourd’hui qu’à 12 mois elle m’a testée.
Un biscuit... Oui, ma vie dépendait de mon action vers ce biscuit.
Étrange situation vers son enfant. A plat ventre, posée sur une grande étendue ma vie allait changer.
Un gâteaux à quelques centimètres de moi, ma mère attendait un signe.
Mais quel signe ?
C’est la perspective de ce gâteau qui m’a permise de faire l’effort et trouver la force de bouger un peu mon bras. Ouf, sauvée ma mère avait vu le « signe » !

Ma mère m’a très vite appris à jeter un regard sur le monde qui m’entourait.
Le regard des autres est une pression dont il est difficile de s’affranchir totalement. Même, lorsque nous le prétendons, il laisse rarement indifférent.
Le besoin de plaire, d’être reconnue et le manque de confiance en soi créent des attentes et nous rendent très sensibles à la manière dont les autres nous perçoivent.
Le regard d’autrui me déstabilisait, et me touchait dans mes blessures éveillées en moi, et j’ai dû entreprendre un vrai travail de libération et de détachement. Au fur et à mesure que je m’affranchissais de ce fardeau, je découvris que le regard des autres ne me mettait plus aussi en affect et par conséquent les colportages à mon égard se faisaient plus rares, puisqu’ils ne me touchaient plus.
Seulement je n’ai pas le souvenir d’avoir été cajolée, bordée et réconfortée. Mon père a voulu combler l’indifférence de ma mère, mais je ne souhaite pas en parler.

Mon entrée à l’hôpital de jour

J’avais 7 ans quand ma mère a décidé de me mettre à l’hôpital de jour.
Je ne comprenais pas pourquoi j’étais là, car les autres enfants me paraissaient bien plus handicapés que moi.
Certes, nous ne suivions pas réellement le programme scolaire de notre âge, mais nous avions tous des journées bien chargées.
J’y suis restée jusqu’à mes 11 ans.

Mon entrée à l’école privée

J’avais 11 ans et je ne connaissais pas réellement le monde en dehors des murs de la maison où de l’hôpital et me voilà projetée dans ce monde qui m’attirait.
Elle m’avait inscrite en CM1, mais bien entendu, je n’avais pas le niveau, néanmoins en dépit de mon inconfort face à ces enfants qui me dévisageaient, j’avais décidé d’être comme mes camarades et je me privais des récréations pour revoir mes leçons.

Mon entrée à l’IEM

Du fait de mes nombreuses interventions chirurgicales, je commençais à me fatiguer et ma mère décida de mon entrée en internat. J’avais presque 12 ans. Tant d’efforts pour retourner en institution.
Ah nonnn, je n’étais pas d’accord, j’avais retrouvé un bon niveau et je faisais face à mes prises en charge, néanmoins me revoilà propulsée dans ce monde que je voulais fuir. J’ai retenté une rentrée dans le cycle normal à l’âge de 14 ans.

Grâce à mes années en institution (10 ans), j’ai appris à relativiser et à philosopher sur la vie.
Mon père durant mes absences se renfermait. A mes 17 ans, il s’enferma dans la dépression, son état m’affectait beaucoup, néanmoins je poursuivais mon parcours.
J’ai obtenu mon bac pro en comptabilité et j’ai voulu poursuivre pour un bac en secrétariat tout en passant mon permis de conduire afin de me libérer de l’emprise de ma famille et ainsi être libre.

Ma prise d’autonomie

Durant mes années d’internat, je me souviens des photos ou vidéos qui étaient faites pour illustrer et réduire un problème moteur ensuite un long rapport était toujours établi.
A 20 ans je me souviens que nous avons passé 30 jours dans un appartement de « prise d’autonomie ».
J’avais l’impression d’être un rat dans sa cage : études, analyses, des moniteurs passaient pour vérifier si le budget de la semaine était respecté, notre autonomie dans la préparation des repas, la propreté des locaux.
J’étais avec une amie bosniaque qui était paralysée et tout ce que nous voulions, c’était qu’on nous laisse tranquille.
Conduire un véhicule est le moyen privilégié de favoriser l’autonomie des personnes en situation de handicap, de leur permettre d’accéder à l’emploi, la formation, les loisirs… et d’éviter leur isolement.
A 4 reprises, j’ai tenté l’examen de la conduite, mais mes réflexes étaient trop lents, heureusement j’avais un moniteur qui m’avait pris sous son aile et qui venait chaque semaine à mon domicile et à l’internat. Jamais il n’a perdu l’espoir, il me motivait toujours sans jamais douter de mes capacités. C’était devenu un ami, un ami qui croyait en moi qui me boustait.
Le jour de mon permis (le 4ème passage), il s’était renseigné sur le parcours, tous les inspecteurs le connaissent 2 heures avant. Ainsi, il m’a fait passer sur ce fameux parcours juste avant et toutes les erreurs à éviter je les connaissais. Ce jour fût merveilleux !!!
J’ai eu un studio à 23 ans et à 25 ans je suis rentrée dans la fonction publique.

(Ma vie de couple, mes enfants sont dans un autre article sur le site) lien vers celui-ci.

Aujourd’hui

J’ai 34 ans et mes relations avec ma mère ne se sont pas arrangées et même dégradées.
Je ne veux pas être isolée, j’aime les échanges et je revendique ma féminité. Pourquoi une femme handicapée n’aurait t-elle pas le droit elle aussi à une seconde chance, gommons le handicap et voyons la personnalité, je veux y croire, pourtant cela me parait impossible. Le vieillissement ? Trop jeune mais lui n’attendra pas mes 60 ans pour me poser quelques petits tracas, il se dit : Haaa non, la voilà un peu libre et sereine, profitons de sa faiblesse pour se faire un petit nid. Alors on va lui mettre une tachycardie, une anomalie lipidique, un peu plus de fatigabilité et quelques petites douleurs en fin de journée. Elle est forte elle fera face dit madame fatigue.

Catherine