Communication - élocution (conférence inter régional APF)
mercredi 21 décembre 2011

Communication - élocution : De la prise en charge précoce aux rééducations adaptées à l’âge adulte : Journée régionale APF sur l’Infirmité Motrice Cérébrale (Chartres/Champhol) du 15 mai 2009.

Intervention de Laurence ESTIOT (représentante départementale APF, Loiret) et de Elisabeth Nègre (ergothérapeute, Conseillère technique APF)

A lire : Le compte rendu complet en pdf (49 pages)

Communication / élocution : De la prise en charge précoce aux rééducations adaptées à l’âge adulte

Laurence ESTIOT : Son exposé sur la communication a été préparé avec le Groupe Initiatives National APF qui réunit des personnes ayant des problèmes de communication et d’élocution.
La communication est un processus à deux : la communication entre deux personnes suppose écoute et conditions favorables pour que le message passe, mais cela devient plus compliqué avec les personnes atteintes d’infirmité cérébrale. Les auditeurs peuvent le constater en direct (Laurence Estiot s’exprime elle-même avec des difficultés d’élocution).

Quand advient une difficulté de parole d’un côté, les deux sont handicapés de la communication : celui qui parle ET celui qui reçoit.

Les personnes atteintes d’infirmité cérébrale ont des difficultés qui concourent à rendre l’expression difficile :

  • Incoordination des mouvements
  • Souffle et respiration incoordonnés, volume insuffisant ou mauvaise gestion
  • Faiblesse musculaire
  • Mauvaise commande (dyspraxie)
  • Facteur extérieur (sursauts exagérés, retour au repos plus lent)
  • Facteur émotif exacerbé.

Peuvent s’y associer des difficultés de langage :

  • Dysphasie parfois associée à IMOC
  • Évocation des mots et des sons, avec compréhension préservée
  • Difficulté à comprendre et à encoder.

Les personnes avec IMC, pour ce qui est de la communication, se répartissent en :

  • Ceux qui parlent avec beaucoup de difficultés
  • Ceux qui ont un système qui requiert une vraie aide humaine pour l’élaboration
  • Ceux qui s’imposent avec leur matériel
  • Ceux qui ont un matériel et qui ne s’en servent pas, et ne le diront pas.

L’intervenante note qu’elle ne voit personne avec un tableau de communication.

Du côté de l’interlocuteur de la personne qui a des difficultés, il est nécessaire de :

  • Ne jamais parler de la personne en sa présence à la troisième personne
  • Ne pas hésiter à faire répéter
  • Reformuler et clarifier régulièrement
  • Aller chercher de l’aide plutôt que faire semblant de comprendre
  • Prendre son temps
  • Bien se positionner
  • Vérifier si on comprend bien le Oui et le Non
  • Éventuellement, se mettre d’accord sur un Oui et Non
  • Proposer d’épeler l’alphabet pour arrêter le défilement sur la première lettre
  • Confirmer, clarifier régulièrement
  • Écrire le message au fur et à mesure (papier, carnet, ardoise, etc.).

Les choses se compliquent quand des personnes en difficulté d’élocution participent à une réunion et une attention particulière doit être portée par l’aidant à :

  • Demander à la personne si le groupe peut continuer de discuter pendant qu’on décode
  • Demander à la personne d’indiquer quand le message doit être dit
  • L’introduire en précisant que l’aidant ne parle en son nom mais en celui de l’autre
  • Vérifiez à haute voix auprès de la personne : « C’est bien ça ? »
  • Ne pas reprendre la parole, sauf si elle le demande.

Ces conditions peuvent être complétées par d’autres moyens qui seront exposés par Élisabeth NEGRE.

Le groupe initiative national des personnes en difficultés d’élocution de l’APF travaille à l’élaboration et à la diffusion d’affiches et de dépliants2. Une série de 8 dépliants est prévue, les deux premiers sont disponibles, les deux suivants le seront bientôt, les quatre derniers un peu plus tard :
1. La communication
2. Organiser des réunions (déjà imprimés),
3. Communiquer avec une personne avec polyhandicap
4. Des conseils d’IMC à IMC (en cours)
5. Communiquer mieux à l’hôpital
6. Adapter la communication écrite
7. Communiquer mieux avec une personne avec tableau de communication
8. Communiquer avec une personne avec un appareil.

Au début, les réunions de ce groupe étaient organisées pour permettre aux personnes en difficulté de parler de ce qu’elles vivaient. Il s’est ensuite transformé pour :

  • Informer, en interne comme à l’extérieur, par exemple en MDPH
  • Sensibiliser
  • Changer les mentalités
  • Se sortir de situations négatives
  • Réussir les interactions
  • Promouvoir la participation des personnes en difficulté d’élocution.

Extrait du dépliant « déclaration des personnes en difficulté d’élocution ou de communication »

- L’ensemble de ces visuels est disponible auprès des délégations départementales APF et/ ou téléchargeable sur le site www.moteurline.apf.asso.fr à la rubrique « aide technique – communication »

Élisabeth NEGRE fait partie, avec Laurence ESTIOT, de ce groupe initiative national APF. Elle présente les moyens d’aide, détaillés dans les dossiers produits par ce groupe dans les années précédentes. S’informer et trouver les moyens d’aides implique la connaissance des réseaux :

  • Réseaux régionaux ou CICAT (Centre d’information et de conseil sur les aides techniques)
  • Réseau nouvelles technologies de l’APF (www.rnt.over-blog.com). Le blog du RNT contient un grand nombre d’informations sur les aides à la communication, avec un classeur de fiches techniques pour les établissements abonnés et des informations régulières sur les contrôles d’environnement, la communication, l’accès à l’ordinateur, au téléphone portable, à la téléphonie en général et au « chat », avec les logiciels adaptés.

Chacun peut utiliser cette ressource APF.
Les établissements peuvent bénéficier d’un prêt de matériel technologique gratuit. Les structures, les foyers et les personnes auprès de la délégation, si elle est abonnée, peuvent se faire prêter du matériel. Essayer un matériel d’aide à la communication, de contrôle de l’environnement, permet de ne pas acheter n’importe quoi, trop cher ou mal adapté.
Il existe également des ressources associatives, dont une association dans laquelle Élisabeth NEGRE et une personne dans la salle, une Américaine vivant à Chartres, sont très actives : ISAAC, l’association internationale pour la communication alternative et améliorée (www.isaac-fr.org). Cette association offre de nombreuses ressources sur les aides à la communication. Elle organise des réunions, des conférences nationales et internationales. La prochaine, internationale, aura lieu à Barcelone en 2010.
Cette association ressource est en lien avec tous les réseaux nationaux et internationaux. La communication alternative et améliorée est « alternative », différente de la norme, et « améliorée », visant à enrichir les moyens de communication existants. Son premier objectif est la sensibilisation des partenaires, familles et réseaux. Elle propose des moyens dont certains sont sans outil, comme les moyens gestuels, certains sont très légers sur le plan financier, comme les tableaux de communication, des systèmes papier, de lettres, d’épellation, ou des moyens technologiques sophistiqués et des machines dédiées.
La communication alternative s’inscrit dans une réflexion sur la communication en général. Les dialogues sont tout à fait différents selon les différentes situations et les différents contextes, si ce que l’on a à dire est attendu, secret, tabou, difficile à dire, ou si, au contraire, il s’agit d’une conversation banale. Ils dépendent du fait que les personnes se connaissent ou non, du fait de savoir si la personne à qui on s’adresse est compétente ou non, si elle a ou non un a priori sur la personne handicapée. Tous ces éléments interviennent dans la qualité du dialogue.
Quand survient une difficulté de communication, d’une part, et que l’un des interlocuteurs a une difficulté d’élocution, le partenaire a une responsabilité pour faire émerger le message, en fonction de la situation.

... (Projection de deux petits films pour montrer deux situations de difficultés de communication). Dont un film disponible à APF Formation (01 40 78 69 52) : K7 Vidéo « Communication alternative : Échanges et bavardages »..
La première situation montre que l’aidant et partenaire avait une réelle compétence, auprès de l’intéressée, Héléna, à manier le tableau, à la regarder, à déchiffrer son Oui/Non, à transformer le sens d’un pictogramme.
La seconde montre une autre compétence, dans une situation familiale où le partenaire est la sœur de Philippe, qui a été très actif à l’APF. L’alphabet est séparé en trois parties : les consonnes de B à L, les consonnes de M à Z, et les voyelles. Philippe indique en haut, à droite ou en bas, et le partenaire épelle l’alphabet séparé en 3 parties. Philippe valide avec la tête la bonne lettre, et ainsi de suite …
Ces deux compétences, chez les partenaires interlocuteurs, sont très importantes. Beaucoup de temps est consacré à la validation. Ce travail demande une bonne connaissance des contextes.

Dans le deuxième cas, la sœur de Philippe fait de la prédiction de lettres et de mots, en fonction des contextes. Elle compose des mots et vérifie en permanence auprès de son frère si elle a bien composé les bons mots. Ces partenaires mettent leurs compétences au service du message élaboré, au service de l’échange.

La communication alternative utilise trois systèmes : les gestes et les signes, les tableaux papier et la technologie en général.

Gestes et signes
L’idée est répandue qu’il n’est pas utile de les proposer aux personnes IMC parce qu’elles n’ont pas les moyens de les utiliser à cause de leurs mouvements incoordonnés. En réalité, de nombreux gestes et signes sont efficaces, si on les fait connaître et si on en apprend de nouveaux qui soient standards au sein d’un établissement ou d’une famille. Ils faciliteraient la tâche, même déformés, au même titre qu’une personne avec une dysarthrie déforme ses mots. De nombreux signes peuvent être utilisés. Ils deviennent automatiques, en même temps que la parole et la pensée.

Si les gestes ne sont pas compréhensibles, il faut créer une liste de signes originaux. Les professionnels, de leur côté, doivent faire la liste des signes que les gens utilisent, même si ce ne sont pas des signes officiels de la langue des signes.

De nombreux tableaux existent. Ils varient en fonction de la taille, de la surface, du support, de l’endroit où ils se trouvent, de la façon dont ils sont portés, de leurs matériaux, du pictogramme ou du support représentatif de langage symbolique : lettres, photos, pictogrammes. Ils varient aussi suivant la façon dont ils sont désignés. Dans le film, Héléna désignait non pas à la main mais avec le regard.

Par rapport aux gestes, les signes ont l’avantage que le corps les exprime et peut les utiliser partout : dans le taxi, à la piscine et à la mer, dans des lieux où le tableau ne sera pas forcément disponible. Ils sont facilement automatisables. Avec un peu d’expérience, il est possible de les accomplir sans y penser. Cette automatisation sera plus difficile avec les tableaux.

Les papiers, il faut les apprendre alors que les signes, tout le monde en fait. Le papier est plus compréhensible que les signes, par tout le monde. Par contre, il est plus aisé de prendre la parole en faisant des signes qu’avec des tableaux de papier si l’intervenant ne regarde pas. Pour l’interlocuteur, il sera plus difficile de décoder les signes s’il n’est pas informé.

La facilité de mise en place est moyenne pour les deux. Les champs d’utilisation sont beaucoup plus larges pour les signes corporels, sauf en cas d’hospitalisation ou si la personne est attachée. Les signes peuvent s’utiliser à distance. Des signes, même déformés, sont intéressants.

Il est dit que les gestes s’envolent et que les écrits restent. Les gestes s’envolent et les pictogrammes restent. Il n’existe pas de sous-titrage sur le front pour les signes. Il faut savoir avec qui ils sont employés et si l’interlocuteur s’y retrouve.

- Les matériels technologiques sont :

  • Les grands et petits ordinateurs,
  • Les machines dédiées,
  • Les voix digitales, enregistrées
  • Les voix synthétiques.

Les personnes équipées ne sont jamais complètement contentes de leur équipement. Elles le trouvent toujours plus lent que leurs pensées. Néanmoins, il existe de nombreux témoignages positifs :

  • « Depuis que j’utilise mon appareil, je suis plus intelligente ! » Ce commentaire est intéressant parce que la personne n’est pas plus intelligente mais se sent plus intelligente, parce qu’elle est entendue et qu’une plus grande communication vient d’elle. C’est fondamental.
  • « Quand je n’ai pas mon tableau, les gens pensent que ma tête est vide…. » Les gens ont tendance à éviter de parler à une personne quand ils ne connaissent pas ses moyens de répondre. La personne qu’on évite ainsi croit que l’interlocuteur pense que sa tête est vide. C’est grave.
  • « Avec ma machine, les gens voient bien que c’est MOI qui parle !!! »
  • « C’est dur, c’est chiant, c’est lent, mais au moins je peux dire ce que je veux, quand je veux, à qui je veux… !!! »

Les nouvelles technologies sont intéressantes mais avec des avantages et des inconvénients.
L’utilisation spontanée n’est pas facile. Il faut apprendre. Par contre, la prise de parole est favorisée avec les synthèses vocales. Dans les conférences ISAAC, un tiers des intervenants à la tribune ont des synthèses vocales qui, seules, permettent d’être percutant au micro.

Les technologies permettent également une utilisation à distance, au téléphone, de loin, sans se voir. Il est très important dans la vie quotidienne de pouvoir interpeller les gens de loin.
Il n’est jamais facile de s’y mettre. Les gens, à l’extérieur, ne sont pas habitués et trouvent inquiétant ces personnes dans un fauteuil, qui ne parlent pas et ont une machine bizarre.
La réaction peut aussi être positive, vis-à-vis de ces personnes avec un ordinateur qui ressemble à celui que tout le monde a chez soi, ou négative si l’interlocuteur ne s’intéresse qu’à l’ordinateur et pas à la personne ni à ses paroles.
Il existe de nombreux problèmes ergonomiques car la machine peut présenter des difficultés multiples de manipulation, de panne, de fiabilité.

L’intervenante projette un petit film dans lequel un Américain parle à un Suisse.
Cette conversation entre hommes montre la nécessité d’être ambitieux, d’oser essayer les machines d’aide à la communication.
Ces outils ne sont pas là pour faire « new tech ». Ils sont intéressants seulement s’ils sont :

  • Aptes à faire tomber un peu le masque du handicap.
  • Au-delà de l’information, s’ils favorisent une rencontre profonde et singulière.
  • Ils ne deviennent facilitateurs que s’il y a rencontre réelle, écoute, conscience de l’obligation, ou non, de les utiliser.
  • Ils favorisent une conscience de la co-présence, co-participation dans le handicap de communication partagée.