Parcours scolaire, Hélène nous raconte
mardi 10 avril 2012

Hélène a souhaité s’exprimer sur son parcours scolaire. Elle évoque les difficultés rencontrées, son plaisir d’apprendre et les relations nouées.

Petite enfance

De 4 ans à 5 ans, je suis allée dans un centre pour Infirmes Moteur Cérébraux à Paris. Je m’y suis faite une très bonne amie avec laquelle je passais beaucoup de temps. Elle était très lourdement handicapée et ne pouvait pas du tout parler. Son handicap m’a beaucoup impressionné et j’ai dû sans doute m’identifier à mon amie. Ainsi, j’ai eu un énorme blocage psychologique qui a fait que j’ai eu beaucoup de mal à marcher alors que mon handicap était léger.

A 5 ans et demi, inscription dans une école en milieu ordinaire avec des classes d’adaptation pour des enfants ayant des problèmes de santé. La directrice de cette école a dit à mes parents que je ne pourrais être admise dans cette école qu’à une seule condition : il fallait que je me débrouille pour marcher seule et de façon autonome. Pendant les grandes vacances d’été, j’ai réussi à me débloquer pour marcher toute seule et j’ai pu ainsi entrer dans cette école, j’y ai fait toute ma scolarité (une année de maternelle et ma scolarité d’école primaire de 6 ans à 11 ans).
Dans cette école, j’ai eu tout de suite envie d’aller vers certains enfants, j’ai eu de bons camarades de classe et je me suis sentie moins handicapée qu’auparavant. J’ai aussi été très proche de l’une de mes institutrices.

Une année plus difficile

Par contre à l’âge de 8 ans en CE2, l’année fut plus difficile, j’ai eu du mal à communiquer avec les autres, même si j’avais quelques camarades.
La directrice de l’école a indiqué qu’il fallait m’orienter vers une école spécialisée car j’avais des problèmes psychologiques et relationnels avec les autres. Cela m’a rendu très malheureuse car j’ « en avais beaucoup bavé », j’ai beaucoup pleuré car je m’étais fait maltraiter par les enfants de l’école et aussi par un instituteur.
Mes parents ont visité cette école spécialisée et ont décidé avec la directrice de ce centre que cela n’était pas la bonne solution, que mes problèmes psychologiques n’étaient pas si importants. Ainsi, j’ai pu à ma grande joie continuer ma scolarité en milieu ordinaire.

Fin de l’enfance et début de l’ adolescence

De 12 ans à 15 ans, je suis allée dans une École avec une pédagogie aménagée et des méthodes d’apprentissage aménagées (scolarité du Secondaire de la 6ème à la 3ème). Cette école fondée par Mr Ovide Decroly m’a fait énormément progresser, car elle m’a permis de m’exprimer à ma manière. J’ai pu mieux m’exprimer en paroles et je garde le souvenir d’un travail sur un montage de diapositives qui « analysait » les différents problèmes psychologiques que rencontraient les élèves de ma classe. Je faisais parfois semblant d’être bien pour ne pas paraître trop malheureuse à l’égard des autres. Ainsi j’ai pu mieux comprendre la psychologie de l’être humain.
J’ai adoré cette école qui m’a donné une plus grande envie d’aller vers les autres et vers mes camarades de classe avec lesquels par ailleurs, j’ai gardé le contact par téléphone et par courrier.

Ensuite, j’ai continué ma scolarité jusqu’en classe de 1ère en ne suivant que certains cours dans un cours de rattrapage scolaire. Cette école adaptée aux besoins de l’élève m’a permis d’établir de réels liens d’amitié avec mes camarades de classes et j’ai pu y avoir de vrais amis.
J’ai dû arrêter en classe de seconde à l’école et cette même année j’ai effectué 5 mois de classe de seconde F8 par correspondance. Ce qui était mieux, car j’avais du mal à suivre le programme.

J’ai fait un mois à l’école Pigier (secrétariat), cela ne m’a pas convenu (le rythme était trop rapide, les personnes plus âgées que moi) alors j’ai dû arrêter, cela ne me convenant pas. Tout cela n’a pas été facile et je me suis sentie discriminée tout de même.
J’ai suivi certains cours de la classe de 1ère dans mon cours de rattrapage scolaire, les professeurs, mes parents et moi-même sentions que j’en étais capable.
Ensuite à 19 ans, j’ai été opérée de la jambe droite dû à ma pathologie IMC et j’ai eu un arrêt de 1 an. Au retour il a été décidé une mise à niveau de classe de 3ème (dans mon cours de rattrapage), j’y ai effectué aussi des petits travaux de secrétariat avec des cours de cuisine, d’anglais et d’allemand.

Initiation au monde du travail

Nous avons compris mes parents et moi-même que le travail en milieu ordinaire serait difficile.
Un des médecins du centre de rééducation a ainsi indiqué qu’il fallait demander le statut de travailleur handicapé en milieu protégé. En même temps, j’ai aussi demandé l’AAH à taux plein pour prendre le temps de mieux me former tout en demandant un emploi en milieu protégé en ex-CAT et en ex-atelier protégé. J’ai fait plusieurs essais de travail et deux stages en CAT de "bijouterie fantaisie conditionnement" et "peinture-conditionnement" et j’en ai été très déçue, ainsi que par les deux stages en ESAT et en Entreprise Adaptée.
Les travailleurs handicapés en milieu de travail protégé avaient des problèmes psychologiques beaucoup plus lourds que les miens et je n’ai donc pas pu y faire ma place dans la mesure où je n’ai pas pu établir de liens de travail avec les collègues de travail en ESAT et en entreprise adaptée.
Le but était de m’initier au monde du travail et cela m’a tout de même permis de faire des rencontres très intéressantes.

Je tiens à remercier

Je tiens à remercier ma famille, mes ami(e)s, les professionnels de santé, tous mes kinésithérapeutes, tous les professionnels de santé, toutes les Écoles où je suis allée, mes instituteurs et institutrices, mes professeurs ainsi que le milieu associatif.

Je souhaite dire

Je dois continuer le combat en rejoignant mes proches du Milieu Associatif. L’associatif est vraiment pour moi le lien vers autrui. J’y poursuis aussi mon travail artistique*.

Il me faudra faire des efforts toute ma vie pour éviter les très grosses crises émotionnelles, pouvoir continuer à m’aimer, pouvoir m’accepter. Le handicap peut être vécu comme une différence surtout si l’on a une souffrance psychologique en plus. Il faut lutter en même temps contre cette souffrance psychologique et le handicap qui est une malchance de naissance. Il faut faire avec.

J’ai adoré les écoles où je suis allée, j’ai adoré apprendre, bien que j’ai eu du mal. Les expériences en milieu de travail protégé m’ont appris à ne pas nier le handicap, la souffrance et le réel.

Le handicap et la souffrance psychologique peuvent être une différence à l’égard d’autrui dans la mesure où l’on se sent discriminé mais il faut arriver à vivre avec au quotidien, j’en suis une parmi tant d’autres.

- Merci Hélène pour votre témoignage.

* Lire aussi le témoignage : "Partage de l’ART avec d’autres…Hélène nous raconte"