Fratrie vos relations, Sylvie témoigne : elle est une personne avec IMC
mardi 5 août 2008

Vous êtes une personne avec IMC et vous avez un frère ou une soeur ou plusieurs, nous souhaitons recueillir vos réflexions. Merci de témoigner en répondant à ces quelques questions. Vos réponses sont destinées à être publiées sur le site et resteront anonymes. Votre témoignage pourra peut-être aider d’autres personnes. Évoquez les différents sentiments ressentis au cours du temps.

Vous pouvez retrouver le questionnaire témoignage et y répondre si vous le souhaitez.

Je m’appelle (prénom fictif) Sylvie et j’ai 56 ans.

- Constitution de la famille :
J’ai deux frères plus jeunes que moi.

- Vos relations avec votre fratrie dans votre petite enfance ? :
Comme on a une grande différence d’âge, mon premier frère est né 6 ans 1/2 après moi et le second a 13 ans et demi de différence avec moi. Donc, moi à la naissance du premier, j’étais très jalouse. C’est vrai que de voir un être normalement constitué, je voyais mes parents heureux et j’avais peur qu’il prenne toute la place. A l’époque, pour moi, mon frère était beau et moi j’étais anormale.

Durant les tous premiers mois, j’étais odieusement malintentionnée à son égard (je m’en veux toujours) bien que je l’adorais.

Pour le deuxième, j’étais une pré-ado, donc, le petit frère était surtout un petit être à protéger (je m’en occupais). Cette fois-ci, j’étais habituée à partager.

- Vos relations avec votre fratrie à votre adolescence ? :
J’étais très contente de/et avec mes frères. J’ai fait mon adolescence un peu plus tardivement que la normale. J’ai fréquenté les potes de mon grand frère qui m’ont toujours connu comme ça, donc à la maison c’était cool. Je sortais en soirée avec eux sans aucun problème, je faisais même de la moto. Cela m’a permis de me libérer. Je suis très reconnaissante envers mon grand frère, car avec le recul, je me rends compte qu’il avait toujours un œil sur moi mais il le faisait discrètement. Ce n’est pas pour cela que l’on ne s’engueulait pas, on avait des relations normales ; même une certaine compétition insidieuse s’était établie, jusqu’à la naissance de ma petite nièce...
Mon petit frère était très jeune à l’époque. Il voulait toujours aller avec les grands et, moi, étant amadouée, j’essayais toujours de l’emmener...

Il a mûri très vite, bien trop vite. Et quand il était pré-ado, il m’a beaucoup supporté (aidé). Avec le recul, je me rends compte que c’était beaucoup trop lourd pour lui. Je crois que je lui ai trop demandé, c’était une charge (ça reste un poids pour moi). Par exemple, il venait me retrouver à l’âge de 14 ans en Angleterre où je vivais, m’aidait à m’installer chez moi, faisait les courses, etc. Il était aussi mon traducteur. Je lui suis aussi très reconnaissante, mais je ferai différemment avec la connaissance et l’expérience que j’ai acquises aujourd’hui.

Mes deux petits frères sont trilingues : Français, English, IMC !!! of course.

- Vos relations avec votre fratrie aujourd’hui ? :
C’est cool, chacun a sa vie ; on se voit assez régulièrement et on a du plaisir à se retrouver. Dès qu’il y en a un qui a un coup dur, les deux autres viennent à sa rescousse.

- Comment la cellule familiale s’est construite au fur et à mesure du temps ? :
J’ai l’impression que le handicap a été lourd pour mes parents en premier, pour moi et mes frères ensuite. D’abord à cause du besoin d’aide permanente au quotidien ensuite par les relations extérieurs et l’émotivité que cela engendre.

La stigmatisation du handicap par le regard extérieur est extrêmes douloureuse, humiliante et honteuse.

J’avais la place de l’ainée, même si pour les choses que je ne pouvais pas faire, mes frères étaient là, avec mes parents. Je trouve que c’était assez équilibré. La notion d’aîné s’estompe lorsqu’on devient adolescents et ensuite adultes.

- Que souhaitez-vous ajouter ? :
Une intense colère s’animait en moi (colère salvatrice) j’en faisais aussi profiter, hélas, mon entourage... (j’en suis profondément désolée).

Malgré mon tempérament bien trempé et déterminé dès mon plus jeune âge ; mes parents m’ont dispensé une éducation harmonieuse ; à l’époque, pas du tout évident pour eux car novices en la matière, ils sont devenus Dr. es. IMC.

Ils ont su me donner confiance en moi bien qu’étant de nature plutôt timide.

J’ai une gratitude et une admiration sans borne envers eux.

En m’offrant une certaine sécurité mes parents m’ont permis de m’assumer dans mon existence "d’homme" et dans ma vie de femme ; aussi grâce à la crédibilité naturelle que mes frangins me manifestaient, tout cela m’a permis de me construire et de me reconnaître en tant qu’être humain à part entière bien qu’infirme. Ce qui ne m’empêche pas d’avoir, encore, des moments d’insécurité et de doutes... il est vrai, de plus en plus rares.

Je tiens à vous rassurer : la vie de famille n’a pas été un long fleuve tranquille mais bien un grand tourbillon où les décibels s’en donnaient à cœur joie de façon lourde ou plus légère selon les circonstances du quotidien...

A mon sens, le plus important pour les enfants, de surcroît handicapés, plus particulièrement IMC, c’est l’aide apportée par une approche de grande psychologie, par une écoute intensive pour appréhender l’excès d’émotivité qui nous caractérise bien ! Nous sommes très insécurisés du fait de l’hyper sensibilité cachée par nôtre courage et nôtre volonté, amplifiée par une fierté démesurée. Aussi il est impératif de rassurer l’enfant tout en le responsabilisant, en l’encourageant délicatement et en lui promulguant un amour inconditionnel, sans oublier de lui imposer les limites essentielles à tout enfant.

Je vais dire une lapalissade : l’handicap apporte d’ÉNORMES difficultés et des inconvénients MAJEURS, en même temps conduit à des apprentissages différents.

Sincèrement,

Sylvie

- Nous vous remercions Sylvie pour ce témoignage