Fratrie vos relations, Angèle témoigne : elle est la soeur d’une personne avec IMC
mercredi 12 novembre 2008

Vous pouvez retrouver le questionnaire témoignage et y répondre si vous le souhaitez.

- Je m’appelle (prénom fictif) : Angèle, je suis une femme de 55 ans.

- La personne avec une IMC est votre : Sœur

- Son âge actuellement ? : 54 ans

- Constitution de la famille : Parents + 4 filles

- Vos relations avec cette sœur dans votre petite enfance ?
Étant l’ainée de la fratrie et ma sœur imc la seconde, je me suis sentie investie du rôle de protectrice, étant persuadée que son état était transitoire, nous l’avons fait participer à toutes nos activités, où nous passions, elle passait, lorsque nous sortions et que nous entendions des réflexions sur son état, nous coursions la personne en question et lui amenions près du fauteuil pour qu’elle puisse lui donner un coup de pied. Mon père lui bricolait tout un tas d’installations et combien de fois j’ai été corrigée car nous lui faisions parfois prendre des risques dans nos jeux. Elle était notre sœur. Les jours où nous n’avions pas classe, pour soulager ma mère nous lui faisions sa toilette et la faisions déjeuner.

Tous nos copains la connaissaient et l’attitude qu’ils avaient en la rencontrant la première fois était déterminante pour les relations que nous continuerions à avoir avec eux. Elle était pleine de vitalité et très espiègle, faisant toujours des niches pour nous taquiner. Elle a eu la chance de bénéficier en 1962 de ce que l’on appelle maintenant une " cliss " dans une école pas trop loin de notre domicile, donc elle allait en classe comme nous.

- Vos relations avec cette sœur à votre l’adolescence ? :
Lorsque l’adolescence est arrivée, nous avons du admettre (via une annonce laconique d’un médecin) que son état serait définitif et que les difficultés allaient commencer. Nous étions toutes les quatre dans cette période car nous n’avons chacune qu’un an de différence. Sa scolarité en primaire touchait à sa fin et il fallait trouver une solution car elle s’ennuyait ferme pendant notre absence. Elle guettait notre retour et nous ne pouvions trainer un peu avec nos copains. Peu à peu nous nous sommes agacées de ce poids qui nous empêchait de revendiquer un peu d’autonomie. Puis un centre s’est ouvert à 300kms de chez nous et elle a absolument tenue à y entrer car elle était consciente de ce qui se passait et demandait à son tour un peu d’autonomie. Nous avons été très désorientées pendant quelques mois mais nous allions la voir tous les 15 jours et elle venait pendant les vacances scolaires. Cette rupture nous a permis de penser à nos petits problèmes existentiels d’adolescentes.

- Vos relations avec cette sœur aujourd’hui ? :
Après ce centre elle a demandé à partir dans un foyer se trouvant à 800 kms de chez mes parents, ceux ci ont donc pris leur retraite dans la ville où était ce centre. Ma mère étant sa tutrice et étant très prégnante, ma sœur se comportait comme une petite fille. Mes parents commençaient à vieillir et à avoir des problèmes de santé, j’ai du les rejoindre afin de les assister . Les relations avec ma soeur étaient parfois tendues. Finalement, lorsque ma mère à dû abandonner la tutelle, je n’ai pas voulu la reprendre et elle a donc été confiée à l’UDAF. A partir de ce jour, ma sœur s’est épanouie, a pris de la consistance, de la personnalité et aujourd’hui c’est MA sœur et nous avons enfin de vraies relations de fratrie

- Comment la cellule familiale s’est construite au fur et à mesure du temps ? :
Mes parents ont été de tous les combats, ils ont fait parti de ceux qui ont fait beaucoup pour faire avancer le regard sur le handicap. Sans grande culture, ils ont agit avec leur instinct de parents dépourvus des moyens d’assistance qui existent maintenant.

J’ai toujours eu le rôle de protectrice pour elle et ensuite pendant la maladie de mes parents, j’ai continué de l’être. Les deux cadettes ont réagis différemment, elles sont toujours à 800 kms de chez nous, viennent nous voir pendant les vacances. Celle qui était la moins proche est devenue la plus proche, elles se parlent au téléphone, s’envoient des bêtises par mails

La benjamine qui était la plus proche d’elle lui en veut beaucoup d’avoir fait descendre (déplacer) sa famille si loin et est maintenant en profonde dépression, reprochant à mes parents de ne pas lui avoir donné assez d’amour et de n’avoir pas été présents lorsqu’elle avait besoin d’eux.

- Que souhaitez-vous ajouter ? :
Le handicap est une énorme déflagration lorsqu’il arrive dans une famille. Ma sœur est née à un moment où fleurissaient encore sur les murs une campagne anti alcoolique qui montrait un enfant marchant avec des béquilles en bois et dont le slogan était "quand les parents boivent les enfants trinquent " qui laissait à penser que si les enfants étaient handicapés c’était que les parents buvaient et que c’était leur faute, donc on nous regardait avec beaucoup de commisération (et d’arrières pensées). Mais il nous a permis de rencontrer des gens extraordinaires qui nous ont donné la force de nous battre. Des personnes qui sont au quotidien avec eux et qui leur permettent de révéler des talents cachés.

Un jour une dame bien chic m’a reprise alors que je parlais de handicapés en me disant qu’il était plus respectueux de dire "personne à mobilité réduite " j’ai répondu que tant qu’elle n’avait pas donnée à manger ou emmenée aux WC un "HANCICAPE" elle n’avait pas à me dire comment il fallait que je les appelle et que si les personnes qui s’occupent d’eux m’en faisaient la remarque alors j’en tiendrais compte car pour eux j’ai du respect !

Angèle, nous vous remercions de vous témoignage.

APF Écoute Infos
Propos recueillis par Sylvaine Ponroy
12 novembre 2008